Hommage à Pierre Cotillon

Pierre COTILLON (3.05.1933 - 28.05.2016)

Membre de l’AGSE depuis sa création et secrétaire de 1969 à 1971, notre collègue Pierre Cotillon vient de nous quitter le 28 Mai 2016, à l’âge  de 83 ans. Avec le départ de Pierre se termine une longue amitié de près de 60 ans, commencée  en 1957. Pierre venait d’être nommé Assistant dans le Laboratoire du Professeur J. Flandrin et je terminais à Lyon un très long Service National. Nous nous sommes connus dans le cadre de la préparation à l’Agrégation de Sciences Naturelles et plus encore pendant les semaines du déroulement du concours à Paris. C’est dire l’émotion avec laquelle j’écris ces lignes en hommage à un collègue particulièrement estimé.
Né à Nancy, Pierre Cotillon a fait ses études secondaires et supérieures à Dijon, d’abord  au Lycée Carnot, puis à l’Université de la même ville. Bachelier complet en 1951, Pierre obtenait la Licence de Sciences naturelles en Juin 1955, comprenant les trois Certificats d’Études Supérieures nécessaires (Botanique, Zoologie, Géologie), plus deux autres (Minéralogie et Géographie physique), tous obtenus avec mention. Parallèlement à sa dernière année de Licence, il préparait  son Diplôme d’Études Supérieures « Étude des couches de passage du Bajocien au Bathonien dans la région de Dijon », soutenu en  décembre 1956. Nommé à  Lyon, Pierre y  obtiendra l’Agrégation de Sciences naturelles (1957) et soutiendra sa thèse de Doctorat d’État en 1968, que j’évoquerai plus loin.
Pierre Cotillon a effectué la plus grande partie  de sa carrière à l’Université de Lyon, sauf deux courtes interruptions, la première pour les deux années de Service National (entre 1960 et 1962), la seconde après sa nomination en 1971 comme Maître de Conférences (= Professeur de 2ème Classe) à l’Université de Caen, où il restera également deux années. Il débute sa carrière dans l’Enseignement supérieur comme  Assistant à la rentrée 1956 dans le Laboratoire de Géologie Appliquée du Professeur J. Flandrin, récemment créé; celui-ci désireux de recruter un sédimentologiste s’était adressé au Professeur R. Ciry de Dijon qui lui recommanda Pierre Cotillon. Il y sera successivement (selon la nomenclature de l’époque, différente de l’actuelle) Chef de Travaux Pratique (1960), Maître-Assistant en 1961, Maître de conférence (à son retour de Caen), Professeur sans Chaire (1978), Professeur de 1ère Classe et Professeur de Classe Exceptionnelle jusqu’à l’heure de la retraite (Septembre  1999). Celle-ci n’a pas signifié pour lui l’arrêt de son activité de recherche que Pierre a poursuivi jusqu’en 2015.
Comme enseignant, Pierre Cotillon a assuré une grande diversité d’enseignement, depuis le DEUG, à Caen, jusqu’à la préparation aux concours (CAPES, Agrégation) et DEA. Également dans la forme (travaux pratiques et dirigés, stages de terrain, cours magistraux) et dans les matières enseignées (Paléontologie à Caen, Biostratigraphie et Géologie historique, Cartographie, Géologie appliquée et Hydrogéologie), mais la Sédimentologie, en particulier celle  des formations carbonatées et les phénomènes associés (la stratonomie et les alternances, la resédimentation, la diagenèse etc…) y occupent une place prépondérante en liaison directe avec ses objectifs et activité de recherche.
Dans ses  recherches, Pierre Cotillon a suivi un axe constant, dont le point de départ a été « Le Crétacé inférieur dans l’Arc subalpin de Castellane » que, jeune assistant du Professeur J. Flandrin, il s’est vu proposer comme sujet de thèse de Doctorat. L’objectif était l’étude des phénomènes sédimentaires de toutes natures, la stratigraphie des séries du Crétacé inférieur n’en étant que le support. Mais, estimée au départ comme suffisamment connue, celle-ci révélait très vite ses insuffisances et la nécessité de reprendre l’étude niveau par niveau de tout le Crétacé inférieur. Il n’est pas possible d’aborder ici, même brièvement, tous les aspects de cette recherche, mais on  peut dégager deux axes majeurs :
- d’une part, un axe régional autour du bassin des chaînes subalpines méridionales et leur prolongement ardéchois, auquel sont consacrés de nombreux travaux, comme seul auteur ou en collaboration avec ses élèves et/ou collègues; l’objectif  est la reconstitution de l’histoire du bassin, appuyée sur la stratigraphie et la paléogéographie (Bassin tertiaires du Haut-Var, l’Urgonien ardéchois), les processus et les milieux de dépôt (discontinuités sédimentaires, sédimentologie des « Calcaires blancs de Provence », processus de resédimentation du Barrémien et de l’Aptien dans le Bassin vocontien), les processus diagénétiques (dolomitisation dans le Lias et le Dogger nord-provençal, silicification dans le Crétacé vocontien).
- d’autre part, un axe plus spécifiquement sédimentologique, centré sur la sédimentation pélagique alternante calcaire-marne, qui le conduira du domaine subalpin aux sites atlantiques et pacifiques. Pluridisciplinaire, l’étude des formations alternantes du Crétacé inférieur vocontien (Valanginien et Hauterivien) présente plusieurs aspects: la corrélation et l’étude de faisceaux de bancs choisis à  cet effet; l’évolution de la sédimentation alternante du bassin à ses bordures;  l’application du modèle  au cas des marnes bleues gargaso-albiennes apparentées aux « black shales ».  Les hypothèse déduites de l’étude de  la sédimentation alternante d’un bassin émergé, la fosse vocontienne, ont conduit tout naturellement à la comparaison de ces alternances vocontiennes avec celles des sites atlantiques et à sa participation (campagnes en mer à bord du Glomar Challenger en 1980 et 1981) aux programmes de forages océaniques, le programme  DSDP (Deep Sea Drilling Program), dans l’Atlantique central et le Golfe du Mexique, le programme ODP (Ocean Drilling Program) au NE de l’Australie et, à nouveau, le golfe du Mexique;  également le programme ENVIMARGES (Biocal et Biogeocal) au large de la Nouvelle-Calédonie.
De nombreuses  publications jalonnent les étapes de cette activité de recherche poursuivie après son départ en retraite, dont je n’ai pu établir le nombre exact; une liste arrêtée en 1989 et les tirés à part déposés dans la bibliothèque du Département jusqu’en 1997 donnent le chiffre d’une centaine, probablement inférieur à la réalité. Enfin, à ne pas oublier,  l’ouvrage de la collection Géosciences, chez Dunod, à l’usage des étudiants, « Stratigraphie », ouvrage traduit dans plusieurs autres langues; également, la coordination du chapitre « Crétacé inférieur » dans la Synthèse du SE de la France. Il faudrait évoquer aussi son rôle au sein du laboratoire et des structures universitaires (Conseil de l’U.E.R. à Caen et Lyon, Vice-Présidence du Conseil scientifique et Assesseur du Directeur de l’UER à Lyon ; Comité de Direction et  Directeur adjoint de l’URA 11 du CNRS, 1986-1989),  dans les diverses associations ou groupes de travail auxquels il a participé, la Sous-Commission Internationale de Stratigraphie du Crétacé de l’I.U.G.S., le Comité Français de Stratigraphie,  le Groupe Français du Crétacé (Vice-Président en 1975 et Président de 1976 à 1977), l’Association Internationale de Sédimentologie et l’Association des Sédimentologistes Français, l’Association des Géologues du Sud-Est, dont j’ai rappelé au tout début de cet hommage, qu’il fut secrétaire de 1969 à 1971.
Ces quelques lignes consacrées à Pierre Cotillon donnent l’image d’un géologue resté proche du terrain, fortement engagé dans son enseignement et sa recherche, très apprécié des étudiants et de ses collègues. Pierre était un homme discret, fidèle en amitié, toujours disponible pour ses élèves et ses amis. Sa disparition laisse un grand vide mais son souvenir restera vivace parmi ses amis et ses collègues.


Le 22 Juin 2016
Raymond ÉNAY